Projet EMILI : une gestion raisonnée de l’eau, de la concentration des minerais à leur conversion en lithium

Pourquoi et comment l’eau est-elle utilisée pour exploiter du lithium ? Peut-on la recycler ? Comment le projet EMILI entend-il concilier les différents enjeux liés à l’approvisionnement et à la consommation en eau ? Le point avec Fabrice Frébourg, chef de projet environnement chez Imerys.

La sioule

Si l’eau est couramment utilisée dans les activités extractives, elle ne concerne pas véritablement la première phase du processus industriel, à savoir celle de l’extraction de la roche. C’est par exemple le cas pour l’exploitation actuelle du kaolin ou celle du lithium, telle qu’elle est envisagée dans le cadre du projet EMILI.

Une séparation des minéraux par flottation avant leur acheminement par conduites hydrauliques

L’eau sert en revanche lors des différentes étapes de transformation à savoir :

  • la séparation des minéraux pour en isoler le minéral porteur de lithium qui est le mica (concentration),
  • le transport du mica de l’usine de concentration vers l’usine de conversion,
  • la conversion de mica en lithium (conversion).

Il s’agit tout d’abord de séparer les minéraux par flottation, ce qui se fait dans un milieu aqueux. « Ce type de procédé, que nous mettons déjà en œuvre sur de nombreux sites Imerys, sera utilisé pour l’exploitation future de la mine de lithium », explique Fabrice Frébourg. Après le broyage du granite, la flottation consiste à récupérer les micas par un phénomène de remontée sélective de ces minéraux, par injection de fines bulles d'air. « À ce stade, les stériles de séparation non valorisés seront en majeure partie replacés en souterrain dans les galeries exploitées après ajout d’un liant permettant de préserver les caractéristiques géotechniques du massif. »

Les micas lithinifères qui pourraient être valorisés (comme le feldspath) sont quant à eux transportés par canalisations souterraines de petit diamètre (environ 15 cm) jusqu’à un atelier de chargement proche de la voie ferrée. « Nous avons privilégié le transport des micas par voie hydraulique pour éviter les émissions de CO2 ainsi que les nuisances (bruit, poussières...) qui auraient été occasionnées par un transport par camions ». Le mélange eau-micas est ensuite pressé pour en récupérer le maximum d’eau. « À l’issue de ces premières étapes, nous sommes en mesure de recycler une grande partie de l’eau utilisée puisque celle-ci est renvoyée par une canalisation parallèle depuis l’atelier de chargement vers l’usine de concentration pour être réutilisée », commente Fabrice Frébourg. « Un circuit fermé, analogue à celui des systèmes domestiques de chauffage par radiateurs, qu’Imerys entend privilégier au maximum afin de préserver les ressources naturelles. »

Les minéraux quant à eux, sont enfin chargés dans des trains pour être acheminés jusqu’à l’usine de conversion.

Il est toutefois impossible d’échapper à une déperdition partielle, une certaine quantité d’eau restant emprisonnée sous forme d’humidité à la fois dans les stériles non utilisés qui seront remblayés en souterrain et dans les micas lithinifères ou les éléments pouvant être revalorisés comme le feldspath, expédiés par train. « La déperdition en eau est liée essentiellement à l'humidité de tous les produits sortant de l'étape de concentration », explique Fabrice Frébourg. « Pour cette raison, nous devrons disposer d’une source d’approvisionnement pour refaire l’appoint. En termes de quantité, les premiers travaux en laboratoire permettent de donner une première estimation qui sera précisée lors des différentes étapes d’usines pilotes. Pour ces premières étapes de concentration et de transport, le besoin annuel est estimé à 600 000 m3. »

Identifier des sources d’appoint en eau adéquates pour le site d’Echassières

Les études menées depuis l’hiver 2022 par la société Antea ont pour objectif, entre autres, de localiser les cours d’eau ou les nappes souterraines dans lesquelles il serait possible de trouver les ressources nécessaires. « Afin de s'assurer de trouver une source d'eau suffisante et de ne pas perturber les capacités d'adaptation du milieu naturel, nous avons mené nos recherches sur un périmètre large, allant bien au-delà du massif de la Bosse » note Fabrice Frebourg.

La Sioule, rivière située à une vingtaine de kilomètres du site, répondrait à ces critères. «Les études, basées sur les informations fournies notamment par la Commission Locale de l’Eau (CLE) indiquent que nos besoins d’appoint représentent un millième du débit moyen de la Sioule » détaille Fabrice Frébourg. Et de nuancer : « Nous étudions aussi des solutions d'optimisation afin d’anticiper les épisodes les plus secs dans l'année. Une des pistes envisagées serait d’utiliser les réserves créées par ailleurs par les activités d’exploitation du kaolin. »

Alimentation en eaux usées du site de conversion du lithium à l’étude

La dernière étape du processus vise à passer du concentré de mica contenant du lithium à une poudre d’hydroxyde de lithium utilisable par les fabricants de batteries électriques. Entrent alors en œuvre des procédés de calcination, purification et cristallisation réalisés dans une usine de conversion.

L’eau étant également indispensable au processus de conversion, Imerys étudie toutes les solutions d’approvisionnement compatibles avec un usage raisonné des ressources naturelles. « D’après les premières estimations basées sur les tests en laboratoire, la consommation d’eau nette devrait se situer autour de 50 m3 par heure, soit environ 400 000 m3 par an », estime Fabrice Frébourg. « Une des pistes que nous étudions actuellement est  celle du recyclage des eaux grises provenant des stations d’épuration. On éviterait ainsi de nouveaux prélèvements dans les milieux naturels. De plus, les rejets après traitement réintégreront ensuite les cours d’eau en répondant aux normes strictes en vigueur. Pour ces raisons, la réutilisation de ces eaux usées traitées (REUT) est une solution à la fois innovante et porteuse d’avenir, qui a vocation à se généraliser de plus en plus en France dans le secteur industriel. »
Ces propos confirment la volonté d’Imerys de conduire un projet qui prenne au maximum en compte les enjeux cruciaux liés à la gestion de l’eau. Les premières conclusions des études en cours sur ce thème devraient être finalisées avant la fin 2023.

Le site de conversion du lithium du projet EMILI pourrait être alimenté en eaux usées par une station d’épuration pour éviter des prélèvements en milieu naturel.

Le site de conversion du lithium du projet EMILI pourrait être alimenté en eaux usées par une station d’épuration pour éviter des prélèvements en milieu naturel.

Quelle consommation globale en eau pour le projet de lithium EMILI?

De manière globale, la consommation d’eau sur l’ensemble du procédé serait tout à fait comparable à nombre d'autres activités industrielles en France. Pour rappel, la consommation d’eau de l’industrie représente moins de 5 % de la consommation totale d’eau en France. En supposant que la production d'une tonne d'hydroxyde de lithium nécessite une consommation brute de 65 m3 d'eau (hypothèse tenant compte du traitement des eaux usées d'une station d’épuration pour la conversion), la production d'une batterie pour véhicule électrique entraînerait une consommation équivalente à celle d’un foyer de quatre personnes pendant 4 jours. Sans oublier que cette batterie sera utilisée pendant 10 ans, voire davantage si elle est recyclée. Ce niveau de consommation d’eau est aussi 5 à 15 fois moins que l’eau nécessaire pour la production de lithium dans les salars sud-américains (étendue naturelle de sels -principalement du chlorure de sodium- pouvant être totalement ou partiellement recouverte d'une petite couche d'eau).